Y'a comme une odeur...
Le vieux sent. Bon
pour tout vous dire l’autre soir, je suis allé au théâtre… Evidemment
y’avait pleins de personnes ridées et toute desséchées autour de moi,
dont un monsieur en fin de vie qui discutait avec sa voisine, et qui se
privait pas de brasser de l’air en ma direction, ce qui je peux vous le
dire à vous, avait tendance à me titiller les poils du nez avec cette
désagréable impression de respirer de la poussière. D’ailleurs quand je
dis qu’ils discutaient, j’veux dire qu’ils se plaignaient de ne pas
bien entendre, de ne rien voir, qu’il faisait chaud et que la poche
urinaire de monsieur était pleine, et là… je sais pas pourquoi… ça a
fait tilt dans ma tête ! J’ai dû glisser dans une faille
spatiotemporelle de lucidité et je me suis revu en stage dans le
service de réa où un aide soignant me disait « ouais t’as vu Mr Truc,
c’est un sacré pochtron, j’ai beau le laver, y sent toujours la bibine,
comme si son corps était imprégné tout entier ! ». Et là j’ai fait le
parallèle avec les vieux croulants. En fait c’est pareil, les vieux ils sentent le vieux. Ils sentent entièrement
le vieux. Je suis sûr que si on leur enlevait leurs vêtements, qu’on
les passait au karcher, ils sentiraient toujours le vieux et le
renfermé. L’atteinte est sans aucun doute profonde, le moindre bout de cellule, la moindre mitochondrie, doit refouler le périmé. Comme
si chaque pore de leur peau rejetait les effluves issues de leur état
de décomposition précoce. A force ils sentent le moisi, le moisi
humain. Je suis sûr qu’il leur pousse des champignons vénéneux dans le
corps. Le cerveau tout poussiéreux, ils ne comprennent plus
grand-chose, ils se mettent à répéter sans cesse les mêmes histoires,
et on finit par connaître par cœur tous leurs problèmes de contrôle
sphinctérien, et de détentes intestinales incontrôlées… Ajoutons
à ça qu’ils beuglent parce qu’ils n’entendent rien, leurs cellules
ciliés sont complètement embourbées dans des moutons de poussière que
ca les empêchent de fonctionner correctement. Faudrait
leur imposer des dates limites de fréquentation, aux vieux. Ca nous
épargnerait de devoir côtoyer la mortitude de trop près… Non parce que
mine de rien moi ça m’a mis dans tous mes états. J’ai bien cru qu’à un
moment j’allai y passer. En plus imaginez, un feu se déclare dans le
théâtre, le temps de se frayer un chemin entre les déambulateurs, les
jambes de bois, les prothèses de hanche, et les dentiers y’a moyen d’y
rester ! En tout cas faites gaffe ,et optez pour la place proche de la
sortie de secours… Ptain
je suis colère rien de d'y repenser! Ils ont failli m'avoir les
saloaprds! Rah! Faut que j'aille me défouler là! Où est ma trottinette
bordel de merde?!